Introduit aux Comores en 2007 par le club de slam Les Slameurs de la Lune, le slam a su se faire une place dans le quotidien des Comoriens. Grâce à la création de collectifs tels que Art de la Plume ou Ngani Slam, cet art oratoire a progressivement gagné en notoriété. Alors que nous approchons de la fin de l’année 2018, il nous semble essentiel de revenir sur les moments marquants qui ont rythmé la scène slam aux Comores. Cette année, trois grands événements ont marqué le public comorien de slam-poésie : Bangwe de l’oralité, Slamer un Pied sur la Lune et l’implantation des Éditions + dans l’archipel.

Bangwe de l’oralité : un festival qui voit le jour

Initié par le slameur Rahim, alias Le Parolier du Karthala, Bangwe de l’oralité est un festival qui a vu le jour en 2018. Comme pour toute initiative liée à l’écriture et aux performances scéniques, cet événement, qui s’est déroulé le 2 septembre dans la ville de Mbeni, a mêlé ateliers d’échanges et performances artistiques.

D’après son fondateur : « Nous avons certes rencontré quelques difficultés au début, mais tout s’est parfaitement déroulé par la suite. » Reconnaissant envers ceux qui l’ont soutenu, il a tenu à exprimer sa gratitude : « J’ai été très bien accueilli par les habitants de ma ville. La mairie m’a honoré en me soutenant tout au long du festival. »

L’événement a bénéficié d’une couverture médiatique exceptionnelle. « Tous les médias invités ont répondu présents, et les artistes étaient au rendez-vous. Cela me motive encore plus à organiser une seconde édition, prévue pour la fin de l’année prochaine », confie Rahim.

Slamer un Pied sur la Lune : une édition réussie

L’association comorienne Sankara, branche événementielle d’une entreprise du même nom, a organisé pour la troisième année consécutive le festival Slamer un Pied sur la Lune, qui s’est tenu du 20 au 27 septembre. L’un des organisateurs, Abdou Kamal-dine, alias DaGenus, directeur artistique de Sankara, est une figure majeure du slam aux Comores. Cette année, la langue était à l’honneur. Pour cette troisième édition, l’association a invité des slameurs venus d’autres contrées, accompagnés du parrain des trois éditions, l’écrivain et slameur franco-camerounais Marc Alexandre Oho Bambe, plus connu sous le nom de Capitaine AlexandreÀ l’image des précédentes éditions, l’événement s’est très bien déroulé. « Nous avons toujours misé sur les ateliers, et les résultats sont là. Au début, nous n’étions que trois à faire du slam, et aujourd’hui, on ne compte plus les slameurs à travers le pays », a confié DaGenus au journal La Gazette des ComoresLe concours de slam organisé lors du festival a couronné un nouveau champion national : Hicham Saïd, originaire de Mbeni. Le jeune artiste, surpris par sa victoire, a confié au quotidien Al-watwan : « Je m’attendais à peine à atteindre les demi-finales, alors gagner le trophée, c’était inimaginable ! » Grâce à ce titre, il représentera les Comores lors de la Coupe d’Afrique de Slam-Poésie (CASP) en 2019.

Les Éditions + : une nouvelle maison d’édition aux Comores

Sous l’impulsion de l’écrivain Maha Lee Cassy et en collaboration avec la slameuse Intissam Dahilou, une nouvelle maison d’édition, Les Éditions +, vient de voir le jour aux Comores. Pour marquer cet événement, une Rentrée Littéraire des Comores a été organisée les 13 et 14 octobre. Cet espace a été créé pour encourager les débats littéraires et promouvoir la littérature comorienne et ses auteur·e·s. Parmi les moments forts de l’événement, on retiendra : une exposition d’œuvres d’écrivains comoriens, la présentation du chant poétique Ce Pays sous Ma Peau de Maha Lee Cassy, une conférence sur la maison d’édition et un spectacle de slam musical animé par Art de la Plume.

Le premier clip de slam comorien : “Ma Douleur”

Le 7 septembre, une première dans le paysage culturel comorien a vu le jour : la diffusion du premier clip vidéo de slam comorien sur les réseaux sociaux. Il s’agit du titre Ma Douleur, écrit et interprété par la slameuse Intissam Dahilou, alias Inti-SlamCe clip met en scène une femme solitaire, isolée dans une nature presque morte, une allégorie poignante de la douleur exprimée dans le texte. Ma Douleur est un texte sincère, écrit avec une plume mûrie par l’expérience et une poésie autodidacte. La force de ses mots a su toucher profondément celles et ceux qui ont assisté à ses prestations artistiques.

Art de la Plume : une tournée culturelle à Madagascar

Après une performance à l’Alliance Française de Mohéli, le collectif Art de la Plume a enchaîné une série d’événements culturels à Madagascar. Leur tournée a débuté en septembre avec leur participation au Dago Festival, puis s’est poursuivie du 26 au 28 octobre au Kolotsaina Festival Elekeletrano, où ils ont présenté leur spectacle Maux et Mots du MondeIls ont également effectué une tournée dans les Alliances Françaises de Tananarive, partageant leur art avec le public malgache et animant des ateliers d’écriture dans plusieurs villes, notamment Fianarantsoa, Antsirabe et Ambositra. Comme chaque année, le collectif Art de la Plume a célébré la Journée Maore, le 12 novembre, en partenariat avec le Comité More. Pour cette édition, ils ont présenté au centre American Corner de Moroni la pièce musicale Kwassa-Kwassa : Pour le Paradis ou même pour l’Enfer, écrite par Mbaé Tahamida Soly. Cette œuvre évoque à la fois les souffrances de l’archipel des Comores et le destin tragique des migrants en quête d’un avenir meilleur.

L’effort de ces gardiens de la langue de Mbae Trabwe contribue à élever le statut de la langue comorienne dans le monde du hip-hop et au-delà. Qui aurait cru que le mouvement autrefois artistique dénigré par les anciens deviendrait un moyen de préserver leur langue, permettant ainsi de mieux les comprendre en les écoutant ?

Aujourd’hui, le rap aux Comores est devenu un moyen puissant de discuter des défis sociaux et politiques auxquels la société comorienne est confrontée. Les artistes utilisent leur musique pour aborder des sujets pertinents, allant de l’identité culturelle à l’engagement civique. La montée des réseaux sociaux et l’accès accru aux plateformes en ligne ont également joué un rôle crucial dans l’atteinte d’un public plus large et dans l’échange d’idées entre les artistes et les fans.

Ainsi, l’évolution du rap aux Comores reflète une transformation de la musique en un outil d’expression authentique et percutant, ancré dans la langue et la culture comoriennes. Cela témoigne d’une scène musicale dynamique et en constante croissance, prête à aborder les défis actuels et futurs de la société comorienne.

Moina Halima Zamzam : un album de slam en préparation

Après avoir remporté le prix Cœlacanthe 2017 dans la catégorie Shikomori pour son recueil de poésie, la slameuse Moina Halima, alias Zamzam, vient d’annoncer la sortie prochaine de son premier album de slam à la rentrée 2019. Première slameuse comorienne à avoir publié un recueil, elle s’apprête à marquer une nouvelle étape en proposant le premier album audio de slam comorien.

Les Comores : les îles de l’art oratoire

Autrefois appelées les Îles de la Lune, les Comores se forgent peu à peu une nouvelle identité. Aujourd’hui, elles deviennent, jour après jour, les Îles de l’Art Oratoire.